« Tout ce que tu cherches est dans la page blanche. »
– Mon grand-père –
Voici une phrase de mon grand père calligraphe qui m’a profondément marquée. On peut l’interpréter de plusieurs façons mais en ce qui me concerne c’est une incitation à l’introspection, regarder la page blanche c’est regarder à l’intérieur de soi.
En tant que coréenne je suis bien évidemment influencée par un des grands principes de la pensée orientale : le Yin et le Yang, les opposés qui s’équilibrent et cohabitent en toutes choses. Une partie de mes œuvres est construite à partir de ce principe d’opposition, avec un focus sur des zones d’énergies et d’autres qui restent vides, délaissées… Ainsi s’explique aussi l’utilisation parcimonieuse de la couleur, la prédominance du noir et du blanc.
Je pense aussi être redevable de la peinture traditionnelle coréenne qui contrairement à la tradition occidentale attache peu d’importance à la composition. Là où la peinture occidentale remplit la totalité du cadre et s’attarde sur les détails, l’idéal coréen est d’exprimer un maximum de force dans quelques traits, quitte à complètement délaisser certaines zones de l’espace. Je pense fonctionner de la même façon dans mon travail, une fois que l’énergie a été libérée à certains endroits, il n’est pas nécessaire de tout remplir. Ceci correspond aussi à une temporalité particulière, la création étant intimement liée à un moment bref, intense et sans retour possible.
D’autre part, quel que soit le media que j’utilise (dessins, photo, installation, performance) j’utilise le corps humain comme matière première et comme sujet. Ayant vécu toute mon enfance dans un hôpital où j’avais tout loisir de déambuler, je me suis habituée à considérer le corps comme un objet neutre et inanimé, à le traiter et l’utiliser comme tel dans mes œuvres. Le corps peut par exemple être mis en scène dans son intégralité comme un objet étranger, ou bien j’utilise des membres, des organes, pour recomposer des formes abstraites, des objets hybrides.